La Nef des Fous, le carnet de bord de Jean-Pierre Humbert
La nef des fous ... Le carnet de bord de mes aventures et de mes rencontres picturales … Avec moi, larguez les amarres et voyagez au long cours en position assise … Naviguons gaiement, ensemble vers l’inéluctable naufrage...
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La Nef des Fous, le carnet de bord de Jean-Pierre Humbert
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LARGUEZ LES AMARRES – Lithographie – JPH – 1994
Ci-dessous, le texte de Jacques Barberis qui illustre ma lithographie LARGUEZ LES AMARRES. Texte et dessin ont été publiés en 2007 dans le livre [Par défaut…] Jean-Pierre Humbert édité par ESTAMPE.ORG. Cet ouvrage contient les reproductions de 47 de mes estampes, accompagnées chacune par un écrit d’un auteur à chaque fois différent.
Collaborateur du Comité International de de la Croix Rouge, coutumier des points chauds de la planète, Jacques Barberis travaille actuellement en Afghanistan. Amateur de peinture, grand connaisseur de la gravure, curieux, inspiré, il est aussi organisateur d’expositions de peinture et de gravure, Jacques a la faculté de dénicher de formidables artistes là où le commun des mortels ne trouve que du sable. Je lui dois quelques découvertes comme celles d’Aleksandr Kalugin et d’Aleksandr Kolokoltsev, des artistes dont j’ai édité des gravures et exposé les œuvres, avec son aide.
LARGUEZ LES AMARRES
Aussi intitulé L’APPEL DU LARGE
Par Jacques Barberis
Une fois encore, Jean-Pierre Humbert et Fribourg. Les comptes, qui font les bons amis, ne sont pas encore rendus ! Les rapports restent tendus, et l’on pense malgré soi à Chessex, cet «étranger» protestant qui, occupé à en découdre avec elle, fait tout de même de cette vieille ville un lieu de passions et de drames. Rien de tel chez Jean-Pierre Humbert, pourtant rejeton de ces murs, sous la patte duquel Fribourg est souvent désincarnée, minéralisée, vidée et statique.
Ici, une fois de plus, la « basse » devient la «haute», mais ce n’est que pour mieux être excisée, tissu mort, du vivant organisme urbain. En point culminant, la cathédrale, mère des Institutions, tient fièrement son rôle nouveau de mât ou de tour de contrôle. Seul rescapé de la modernité, un hôtel cubique et sans toit peine à la concurrencer. Mais l’ensemble est instable, plus bateau ivre que paquebot, sans passagers ni équipage.
A la poupe ou à la proue, passerelle inutile, l’un de ces ponts qui ont fait la gloire de la cité résiste, appendice incongru. S’il s’écroule, rupture d’anévrisme, c’est l’asphyxie et l’adieu aux derniers espoirs d’accostage. Or aucun port n’est en vue !
Seule la mer semble vivante, houleuse, démontée même, et écumante : contraste frappant entre un monde minéral et fier, prêt à défier des siècles encore, et un élément capricieux et polymorphe. Le paquebot a déjà perdu la partie cependant, il ne tiendra plus longtemps, chargé d’un poids trop lourd et mal réparti. Il semble d’ailleurs déjà s’être échoué sur le fond, monolithe livré à l’érosion des vagues.
Qui donc a lancé l’ordre de larguer les amarres, scellant ainsi le sort de l’embarcation ? L’inconscient se trouve-t-il sur le pont, ou est-il resté à quai ?
Son regard extérieur ( détaché ? ) jeté sur le paquebot trahit l’auteur : les deux pieds sur la terre ferme, il a choisi le « bon côté » et il assiste, comme le spectateur, au départ des vestiges d’un monde condamné à disparaître, pittoresque mais anémié, réduit à un simple décor. Et avec lui, le naufrage inévitable d’un ordre archaïque, pourtant bien établi encore, et l’anéantissement d’un pont, dernier cordon ombilical, qui de toute façon perdrait dans peu de temps sa raison d’être, remplacé par une autre œuvre projetée dans le monde des vivants.
Alors, Humbert l’anarchiste veut-il vraiment larguer Fribourg ?
LARGUEZ LES AMARRES
Texte de Jean Steinauer rédigé lors de la parution de cette lithographie en 1994
Jean Steinauer, né en 1946, a travaillé quinze ans comme rédacteur politique puis journaliste libre pour plusieurs médias de Suisse romande, avant de fonder à Lille une petite agence de presse puis de se consacrer à des activités de formation pour les syndicats genevois. De retour en 2001 à Fribourg, sa ville natale, il a délaissé le journalisme et les activités de communication pour se consacrer à la recherche historique, ainsi qu’à l’écriture et l’édition d’ouvrages de ce domaine. Parmi ses rares livres de fiction, un recueil de Contes et légendes à 3 ou 4 essieux composé en 1989 à l’instigation de ses amis Pierre et Charles Friderici. (Présentation empruntée au site de Bernard Campiche Éditeur)
Libre aux géologues de croire que les terrains sont stables et que les villes reposent de tout leur poids sur des couches superposées depuis des millénaires.
Et les géographes peuvent bien rêver de prendre les villes au filet, dans le quadrillage des longitudes et des latitudes, afin qu’on les retrouve toujours au même endroit. Les ivrognes et les artistes, qui savent observer, ont compris que les villes dérivent à tous vents, et voguent sans fin sur les campagnes ondulantes.
À preuve le Fribourg de Jean-Pierre Humbert!
Sur un roc au profil d’étrave, l’élancement d’une mâture gothique: cette ville fut armée pour tailler sa route à travers les houles de l’histoire. Elle ne cesse d’échapper à la nuit qui tombe dans son sillage. Toute vibrante d’énergie, elle navigue vers la fin des temps, vers le naufrage inéluctable et apaisant. L’équipage a mis sa confiance dans une longue familiarité avec l’au-delà.
«O mort, vieux capitaine, il est temps! Levons l’ancre…»
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