Nef des fous

La Nef des Fous, le carnet de bord de Jean-Pierre Humbert

La nef des fous ... Le carnet de bord de mes aventures et de mes rencontres picturales … Avec moi, larguez les amarres et voyagez au long cours en position assise … Naviguons gaiement, ensemble vers l’inéluctable naufrage...

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Nef des fous

La Nef des Fous, le carnet de bord de Jean-Pierre Humbert

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La nef des fous
Carnet de bord de Jean-Pierre Humbert

Si vous pouviez le dire avec les mots,
il n'y aurait aucune raison de le peindre.

Edward Hopper

Si vous pouviez tout dire avec des images,
il n’y aurait aucune raison d’écrire.

Zoran Zéro 2010

Lorsque j’observe les visiteurs d’une exposition de peinture, ils me donnent souvent l’impression d’avoir un train à prendre. Mes tableaux ne sont pas épargnés par ce regrettable phénomène, c’est une des raisons qui m’ont incité à inviter des proches, amies et amis, abonnés à mes publications, collectionneurs, collègues artistes, peintres, écrivains, ainsi que des personnalités que j’estime, à s’attarder devant une de mes œuvres et à rédiger le récit qu’elle leur inspire.

En accord avec leurs auteurs, ces textes seront publiés sur mon site internet www.jphumbert.ch à la rubrique intitulée { Par défaut … Jean-Pierre Humbert }. Sous ce titre générique, mes productions artistiques affichent une apparence de programme informatique à l’état initial et, de cette manière, s’offrent aux regards comme des représentations { Par défaut … } de mon univers pictural. Je veux croire que les écrits ainsi engendrés révéleront des secrets et des mystères insoupçonnés dissimulés sous mes visions de notre univers…

Je remercie toutes les personnes qui participeront à cette aventure qui les amènera certainement à dévoiler une parcelle d’eux-même…

A propos de cette rubrique

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VALEUR AJOUTÉE + LES PETITS PLAISIRS + RECENSEMENT

 

VALEUR AJOUTÉE – Estampe (Technique mixte) JPH – 2005-1996

 

VALEUR AJOUTÉE

Texte d’Anna JOUY (Colette Maillard)

 

Quel ancêtre veille au grain dans mon carnet, quel grand âge y dort, toutes pages fermées ? Qui se tient près de moi, silencieux et discret enfoui dans ce calepin ?

Mon carnet de notes est bien plus vieux que moi. Un arbre est tombé et du doigt, on a compté les cercles de sa vie. Il a connu d’autres temps pour lesquels je n’ai pas de mots, faute de les avoir connus.

Mon carnet a été planté peut-être par un homme qui savait rendre à la Terre ce qu’il lui avait pris. Un prêté pour un rendu, un rameau neuf contre ce bois de chauffage.

Il a poussé lentement dans une forêt ordinaire, a grandi sans penser à son destin. Table, cercueil ou alors papier, cette maigre fortune de basse souche. Qu’espérait-on de lui ? Il a fait ses maladies d’enfance, ses parésies de bostryches. Il a poussé fausset, moindre, malingre. Sans ces fibres assez fières, cette sève bleue pour lutheries, sans un tronc assez droit, assez plein pour monter des charpentes.

Alors on a tranché, à la tronçonneuse. Il « fera » papier, a-t-on dit.

Déchiqueté, réduit en pâte, enfourné, soufflé. Il a enduré. Mais il fallut se rendre à l’évidence, papier il faisait le beau. Il avait le grain délicat et une force aussi, favorable aux empreintes. Alors on le tissa soigneusement entre des fils et des chamoiseries. Bon grain sous le doigt, solide mais pas trop, il avait tout ce qu’il fallait. On le mit en rames.

Serait-il feuilles d‘aquarelliste, cartes de magistrat ? Deviendrait-il livre ? Ou encore ça, le carnet de voyage d’un promeneur silencieux…

Je le prends sur le sentier des forêts. Je l’emmène à la source, pour y sentir la mienne.

Il m’accueille moi et la parole atone d’un poème, parfois l’histoire d’un homme, un mot d’amour, un chant. Ou l’inspiration qui passe et s’en irait avec son ange volage, s’il n’était pas là.

Entre mes mains sa texture encore vive, cet arbre mort pour supporter mes gestes bavards, tandis que j’oublie qu’ici fut un arbre, une grande vie.

Mon carnet de hêtre ou de sapin, des restes d’une tempête, d’un orage, mon arbre complice.

 


Pour commenter la publication : info@jphumbert.ch

 

LES PETITS PLAISIRS – Mine de plomb / Crayon papier – JPH – 1983

 

FAUT-IL SORTIR DES OMBRES

Texte d’Anna JOUY (Colette Maillard)

 

N’essaie pas petite, n’essaie pas de gestes à déplier la brume, de traverser les brouillards.

Ne cherche pas à éclaircir ni ton chemin ni tes jours. Laisse flotter entre toi et ce monde les toiles sombres et grises du secret et du désir.

Les ombres sont nécessaires, qu’elles aveuglent, adoucissent ou nous voilent.

Cache-toi dans ces grisailles de graphite qui trompent l’œil et l’écho.

Dupe le temps qui te promet la clarté, la nuit est un meilleur refuge.

N’essaie pas de dompter la lumière, c’est à elle de te séduire. Laisse-là venir vers toi. Laisse-la détourer ton visage, tes mains et ton corps plus tard.

Longtemps plus tard.

Tu es née de Nuit l’universelle. Tu n’y étais personne. Et bientôt tu surgiras, tu seras unique. Mais en attendant, garde longuement sur toi les traces obscures qui te relient aux étoiles.

N’essaie pas de forcer le projet d’avenir. Tu souris, tu le sais bien, tu le sais déjà ce que tu seras, c’est écrit au cœur de tes mains.

Ces lignes de vie quitteront tes paumes et se coucheront sur des îles. Elles feront tes courbes, tes langueurs sur les plages du temps. Tu seras dans la lumière sans le vouloir vraiment.

Et tu te sentiras alors si nue, comme on l’est de dire, d’écrire et de dessiner sur le sable. Tu voudras revêtir à nouveau l’étoffe du secret, retrouver les ombres qui protègent. Tu chercheras inlassablement ton ancien mystère, tu marcheras vers l’oubli, cette obscurité reposante.

Garde dans ta main cette mine de plomb, laisse-la rédiger pour le monde tes fausses aventures, tes récits, tes petits plaisirs.

Laisse-la faire pour toi la trahison des rêves.

Remets-lui les lumières comme on tend un appât.

Mais toi, reste dévouée à la brume silencieuse.

 


Pour commenter la publication : info@jphumbert.ch

 

RECENSEMENT – Estampe / Techniques mixte – JPH – 2023-1975

 

QWERTZUIOP

Texte d’Anna JOUY (Colette Maillard)


Q
uels visages ai-je pêchés dans le disque flasque de ma mémoire, une eau profonde habitée de formes flottantes, d’esprits argentiques gravés au passage ? Je ne me souviens de rien mais je suis possédée. Ils ont trouvé en moi un refuge, une plage de papier. Ceux qui reviennent le font d’agiter le temps d’une plume louche.

Wagonnets enchainés à mes histoires, ils foncent sur des rails rapides tout autour de ma tête. Ils repasseront par-là et je me sers parmi leurs figures. Parfois je stoppe le convoi, je remplis la soute à charbon. Le carburant du texte, des tissons de feu les gens, avant de mourir aussi.

Ectoplasmes volatils ramenant leurs anciennes silhouettes sous le bras. Celui-ci était cordonnier, cet autre chauffeur et cette rouquine aux yeux vides, professeur tyrannique. J’ai sur chacun d’eux des idées fixes. Ils représentent des états, sans doute jamais vraiment le leur. Ils portent comme des macchabés, leurs étiquettes attachées au gros orteil.

Rails qui filent comme la ligne de la page, qui avancent comme un train fou dans les chimères de mes récits et eux transportés dans de nouvelles existences, celles qui naissent sous la bielle des doigts.

Touches sautillantes de mon clavier, aiguillages imaginaires, je pousse le convoi des lettres sur des territoires envahis de sans nom, de sans histoires, de sans vie. Ils défilent devant moi et j’ai sur eux le regard inventaire. Ces faces que j’associe à des personnages, je les passe sous la machine à ruban, je les frappe du seau d’une Olivetti vieux modèle. Sans état d’âme, sans compassion. Celui-ci sera voyou, elle putain et cet autre, un paumé. Je garde pour moi le beau rôle.

Zouaves en perdition d’existence, ils se laisseront faire, ils deviendront ce que je veux pour vivre encore un peu, ne serait-ce que dans la plaque tournante de mon crâne, d’où je les ai décrochés pour en faire des héros tragiques ou drôles mais vifs.

Usuriers de romans, de poèmes, ils me feront payer cher l’emprunt de leurs corps, de leur dégaine, de tout ce qu’ils ont laissé en dépôt dans mes souvenirs. Je leur devrai ma propre vie.

Impostures qu’importe. Qui ne vendrait pas son passé pour un avenir même de papier… Certains sauront peut-être me prendre en traitre et voler ma place. Ils écriront eux-mêmes leur nouvelle vie, ils se feront géants, grandioses ou monstres.

Oublieux d’une existence insignifiante pour devenir singuliers et bavards, parlant à tort et à travers, emplissant le monde de leurs dires, salissant peut-être la bonne parole ou plus modestement en l’étouffant de ces cloaques dans lesquels bavent les crapauds.

Parfois peut-être n’est-il pas bon d’écrire ou de faire des histoires….

 


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ANNA JOUY (Colette MAILLARD)

Après des études à l’université de Fribourg en littérature française, latin et philologie romane, Anna Jouy  (Colette Maillard) écrit des polars, des pièces de théâtre et une comédie musicale avant de se consacrer à la poésie avec une dizaine de recueils parus entre 2009 et 2021. Dans un geste de mise en mots au plus proche du quotidien, elle tient un journal poétique en ligne (Les mots sous l’Aube).

Largement engagée dans l’écriture de « brèves », formats concis d’une à deux pages qu’elle voit comme un nouveau genre émergeant avec les outils informatiques, elle confronte désormais également son écriture à des textes de longue haleine, soucieuse d’inclure à l’invention romanesque son cheminement personnel et poétique.

2023-BIBLIOGRAPHIE-Gaillard-Maillard-colette

https://www.rts.ch/play/tv/couleurs-locales/video/entretien-avec-colette-maillard-et-jose-mazzocato-co-auteurs-et-co-metteurs-en-scene-du-spectacle-des-50-ans?urn=urn:rts:video:14029013

 

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