Nef des fous

La Nef des Fous, le carnet de bord de Jean-Pierre Humbert

La nef des fous ... Le carnet de bord de mes aventures et de mes rencontres picturales … Avec moi, larguez les amarres et voyagez au long cours en position assise … Naviguons gaiement, ensemble vers l’inéluctable naufrage...

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La Nef des Fous, le carnet de bord de Jean-Pierre Humbert

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Carnet de bord de Jean-Pierre Humbert

ALEKSANDR KALUGIN

Souvenir de l’exposition des gravures d’Aleksandr Kalugin à la Galerie Contraste en 1990
Une manifestation organisée à la parution de sa gravure
Razbudil-Le réveil (Voir ci-dessous)


C’était il y a 30 ans, la dernière semaine de l’année 1989. La pérestroïka initiée en 1985 par monsieur Gorbatchev approche de son dénouement qui, dès l’été 1991, verra l’éclatement de l’URSS. Avec mon fils Mirko (9 ans à l’époque), je m’étais rendu à Moscou à la rencontre d’Aleksandr Kalugin, afin de récupérer le tirage de la gravure Razbudil-Le réveil que je lui avais commandée pour l’édition 1990 de l’abonnement d’estampes Artistes Européens. À chaque parution de cet abonnement, j’organisais une exposition des œuvres de l’artiste invité. J’étais donc aussi là pour choisir et transporter une cinquantaine de gravures d’Aleksandr destinées à être exposées à la Galerie Contraste.

Pour se rendre en URSS, il était de règle de voyager en groupe et d’être encadré par des officiels. C’est donc en bonne compagnie que nous sommes arrivés à l’hôtel qui nous était réservé. Dès le lendemain, Jacques Barberis, qui était à la maison en URSS, nous a rejoint. Nous avons pris nos distances avec le groupe et avons visité la ville au gré des initiatives inspirées de Jacques, notre mentor personnel. Il nous a fait vivre une semaine truffée de bonnes surprises. Outre la rencontre avec Tamara et Aleksandr Kalugin, parmi de nombreux très bons souvenirs, je retiens notre passage aux bains Sandouny qui n’avaient pas encore subi les “bienfaits” de la privatisation. En très bonne compagnie, nous y avons passé quelques inoubliables heures dans une saine ambiance crépusculaire.

Au moment du départ, le 31 décembre 1989, en vue du transport en bus jusqu’à l’aéroport de Cheremetievo, nous avons retrouvé notre groupe et le guide officiel dans le hall de l’hôtel. Aleksandr, Jacques et moi étions inquiets car je m’apprêtais à sortir toutes les œuvres d’Aleksandr clandestinement. Si je me faisais pincer au passage de la douane, les répercussions auraient été dramatiques pour Aleksandr, qui, pour ses créations satiriques, avait subi de longs séjours en clinique psychiatrique en 1974, en 1982 et en 1988. J’avais acheté de nombreux posters d’expositions d’un format de plus ou moins 70×100 cm, destinés à dissimuler les estampes. Le groupe était constitué d’une vingtaine de personnes. Nous avions préparé autant de rouleaux. Les deux-tiers étaient faits de gravures enveloppées dans 2 ou 3 affiches enroulées, et le tiers restant n’était constitué que de posters. J’ai expliqué la situation à ces compagnons de voyage parfaitement inconnus, et je leur ai proposé de prendre chacun un rouleau, le temps de passer la douane. Ils ont tous accepté de le faire. Avais-je été particulièrement éloquent ou était-ce la présence d’un enfant en ma compagnie qui les a convaincus? Cette confiance reste un mystère pour moi.

À quelques minutes de minuit, notre avion était le dernier à quitter l’aéroport en 1989. Postés derrière la barrière de verre qui les séparaient des partants, Aleksandr et Jacques suivaient anxieux le contrôle de notre groupe par un fonctionnaire grincheux vêtu d’un uniforme. Qu’y a-t-il dans ce grand rouleau? Des posters! Des posters, une fois, des posters deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois… Monsieur, j’aimerais les voir s’il vous plaît. Grand moment de tension dans un aéroport soviétique presque désert. Mirko et moi sommes juste derrière la personne contrôlée. Sereinement, elle déroule son colis qui, une chance sur trois, ne contenait pas de gravures d’Aleksandr… Sourire du douanier qui, pressé d’en finir et de réveillonner, nous a ensuite tous laissés passer sans la moindre tracasserie… Ouf!, enfin détendus, Aleksandr et Jacques nous saluent discrètement et sortent de Cheremetievo.

Arrivés à Zürich au petit matin du premier jour de l’année 1990, nous n’avions qu’une Bonne et Heureuse Année 1990 à déclarer!

En 1990, Tamara et Aleksandr Kalugin ont obtenu un visa de sortie d’URSS pour participer au vernissage de l’exposition que j’avais intitulée Voyagez à l’œil. Ils quittaient le pays pour la première fois. L’exposition fut un grand succès; la presse, les visiteurs et les ventes étaient au rendez-vous. Par la suite, nous avons plusieurs fois collaboré avec Aleksandr Kalugin, avec à chaque fois le sentiment de vivre une aventure.

 

LE RÉVEIL – La gravure qu’Aleksandr Kalugin à réalisée en 1989 pour l’édition 1990 de l’abonnement Artistes européens

 


Croquis et gravure d’Aleksandr Kalugin – Photo JPH

Lors de son premier séjour à Fribourg en 1990, Aleksandr a dessiné, puis gravé, la maison située à l’angle de la rue Grimoux et de la rue d’Alt qu’il voyait depuis la chambre qu’il occupait avec sa femme Tamara. Sous sa pointe à graver, le paisible et vétuste immeuble destiné à la démolition qu’il voyait par la fenêtre, a pris des allures de ruine en voie de végétalisation. Depuis, à cet endroit, main dans la main, promoteurs et autorités ont concrétisé leurs projets de densification et de rationalisation. Parfaitement géométriques, petits et grands immeubles chantent la mélopée lancinante de la victoire du béton confortable et du triomphe des têtes carrées.

 

Affiche – UN HÔTE BRUYANT et LE DESSERT – Les deux gravures qu’Aleksandr Kalugin à réalisée pour l’édition 2001 de l’abonnement Fribourg, vu d’ailleurs

 

LA GRANDE LESSIVE – Eau-forte d’Aleksandr Kalugin

 

Aleksandr Kalugin et une de ses peintures – Photo copiée sur internet

 

Devant une de ses peintures, Aleksandr Kalugin accompagné d’un jeune admirateur – Photo copiée sur internet

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